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Perceptions de l’impôt : une question de légitimité

D’après un sondage réalisé par Ipsos/CGI en octobre 2013*, un Français sur deux considérerait que payer l’impôt est un acte citoyen. Ce niveau de consentement varie en fonction des taxes, la taxe sur les produits pétroliers étant par exemple considérée comme injuste par une majorité des sondés. Pourquoi un tel sentiment ? Quelles sont les relations du citoyen à l’impôt ? Explications de Thierry Lambert, spécialiste des sciences fiscales.

« Face à l’impôt, il existe deux grands types de comportements : l’altruisme et l’évitement. Le premier traduit une forme de respect de l’État et de reconnaissance de son rôle. À l’inverse, l’évitement exprime le refus d’adhérer à l’idéologie de l’intérêt général qui tout à la fois justifie l’impôt, l’administration fiscale et le contrôle que cette dernière exerce sur l’ensemble du corps social. Et ce, pour plusieurs raisons.
Certains estiment que le prélèvement fiscal est contraire au principe de la liberté individuelle ou qu’il atteint leur droit de propriété, alors que d’autres contestent les fonctions régaliennes de l’État, dont le prélèvement de l’impôt, au nom du libéralisme économique. D’autres encore rejettent le principe d’égalité sous-jacent au caractère redistributif de certains prélèvements.
Entre l’altruisme et l’évitement, la majorité des contribuables se situe en fait dans une « zone grise ». Les citoyens vivent la fiscalité comme une contrainte, comme un acte imposé qui supprime la spontanéité, voire la fierté de la contribution volontaire. L’impôt pourrait dès lors se résumer à cette formule : “on me prend quelque chose”. Cette perception négative n’est pas réductible au prélèvement en lui-même, elle s’attache aussi aux obligations qui lui sont liées. L’impôt sur le revenu, qui nécessite une déclaration et donc une démarche particulière, est ainsi moins bien accepté que la TVA (taxe sur la valeur ajoutée), prélevée automatiquement.

Comprendre l’impôt pour l’accepter

Parce qu’ils sont vécus comme une contrainte, la question “à quoi servent mes impôts ?” se révèle déterminante. Une interrogation sur la légitimité d’autant plus cruciale que le contribuable est coupé du corps social tout en étant soumis à des règles de portée générale.
De plus, il ne ressent que très imparfaitement la dimension économique de l’impôt qui ne satisfait pas, a priori, un besoin particulier.
À cet égard, le prélèvement social, à travers les cotisations sociales, est davantage accepté que le prélèvement fiscal, car son objectif est plus concret et visible : il “protège”. Dès lors, plus la finalité de l’impôt est comprise et ressentie (amélioration des services publics, par exemple), plus la fiscalité est acceptée, peu importe l’état des finances publiques.
Néanmoins, n’oublions pas que le contribuable, comme la plupart des agents économiques, a une attitude qui n’est pas entièrement rationnelle ou irrationnelle. La notion de justice fiscale, élément constitutif de la justice sociale, peut se révéler très subjective, le sentiment d’injustice ne correspondant pas forcément à la réalité. Cette subjectivité rend d’autant plus nécessaire l’effort de pédagogie pour expliquer la finalité de l’impôt, pour rendre la politique fiscale lisible et légitime aux yeux des contribuables. La multiplication des lois de finances rectificatives ne va évidemment pas dans ce sens. »

Ancien inspecteur des impôts, Thierry Lambert est professeur à Aix-Marseille Université, et président de l’Institut international des sciences fiscales. Il enseigne le droit fiscal général, le contentieux fiscal, le droit fiscal communautaire et international. Il est l’auteur de Contentieux fiscal (Hachette, coll. : “Les fondamentaux”, 2011) et de Procédures fiscales (Montchrestien, coll. : “Domat”, 2013).

* Les Français et l’impôt, enquête réalisée par Ipsos/CGI pour Le Monde, BFMTV et la Fondation internationale des finances publiques.

Rédaction achevée au 20/10/2014, sous réserve d’évolutions de l’actualité économique et financière, ainsi que des dispositions fiscales, juridiques et réglementaires en vigueur.

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